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Le cheval de trait fait son retour en Champagne

Jean-Michel François

Le cheval de trait ardennais, race menacée de disparition, survit mieux dans la région qu’ailleurs, grâce à quelques débouchés en progression, comme la culture des vignes.

Dominique Narès travaille quatre hectares avec sa jument Amazone, pour le compte de plusieurs clients, ainsi que pour lui-même.

L’image est bucolique et de plus en plus fréquente dans le vignoble champenois : de puissants chevaux reprennent un peu de la place que les enjambeurs leur ont si rapidement subtilisée voici quelques dizaines d’années. Au-delà du simple effet de mode, leur utilisation est associée à des pratiques plus respectueuses de la nature, à des démarches qualité qui, au final, doivent avoir un impact sur le produit fini qu’est le champagne. Des viticulteurs comme de grandes maisons y recourent. Certains exploitants possèdent leurs propres chevaux quand d’autres font appel à des prestataires dont le nombre progresse indéniablement. david racimora

Laurent Léguillette, propriétaire à Charly-sur-Marne dans l’Aisne, réunit les deux facettes. Il a toujours en tête une ancienne photo sur laquelle son grand-père posait avec un cheval de trait. Une image qu’il voudrait pouvoir reproduire, mais il avoue que ce n’est pas chose aisée. Il a pourtant les chevaux – Orizon et Rebelle – mais loue les services d’un professionnel du secteur pour travailler une petite surface quand le reste de l’exploitation est traité au tracteur. « La préparation d’un cheval requiert beaucoup de temps avant et après son utilisation », explique M. Léguillette qui partage aussi ses journées à remplir toutes les étapes de la production de ses vins. Il apprécie les qualités et l’efficacité d’un cheval « qui ne tasse pas la terre comme un tracteur. Cela évite l’érosion, fait travailler l’humus. » Quant à la rentabilité, Laurent Léguillette compare le prix d’achat d’un poulain de 6 mois (qu’il reste à débourrer) « entre 600 à 800 € » et celui d’un enjambeur « autour de 150 000 € »et en conclut que le premier est plus avantageux.

À Oger, dans la Côte des Blancs, Dominique Narès est le gérant de la SARL Les Galipes. Depuis trois ans, il a ajouté le travail d’une jument – Amazone – à la palette de ses prestations viticoles. Grâce à elle, sa clientèle se développe. « Avec un cheval, on passe sur un terrain même s’il a plu la veille. » Selon un calendrier qui respecte les autres travaux des vignes, il intervient dans chaque parcelle cinq à six fois par an, essentiellement pour du labour, du désherbage, « en douceur ». « Une terre ainsi aérée favorise l’activité microbienne du sol, joue sur la minéralité. » L’année prochaine, il continuera « de gratter la planète » avec un deuxième cheval, en l’occurrence Eragone, aujourd’hui âgée de deux ans, la fille d’Amazone. Peut-être ira-t-il alors aussi vite qu’un tracteur qui fait deux rangs en même temps… david racimora

Le champagne Chapuy, également à Oger, est l’un des clients de M. Narès. Sur les huit hectares de la propriété, trois parcelles sont systématiquement travaillées par Amazone. « Nous avons mis en place une viticulture saine et durable », explique Élodie Higonet. Elle évoque, par exemple, l’impact de l’enherbement qui induit une baisse (volontaire) du rendement. « À partir de ces trois parcelles, nous sommes en train de créer une cuvée expérimentale dans un objectif de premiumisation », révèle-t-elle.

Mieux ancré dans les Ardennes

À Beaumont-en-Argonne, dans les Ardennes, Jean-Nicolas Louis est l’un des principaux éleveurs du département – avec au moins 35 chevaux - régulièrement primé dans les concours d’élégance ou d’attelage. L’un des débouchés qui permettent à la filière de se maintenir. Sylvie, son épouse, confirme qu’on peut acheter un cheval de trait ardennais pour moins de 1 000 €.

Louis Fisse, président de la fédération du cheval de trait ardennais depuis presque toujours - il va sur ses 80 ans - évalue à quatre cents bêtes le cheptel actuel dans son département. « C’est évidemment beaucoup moins qu’après la guerre, où l’ardennais régnait sur les cultures du nord de la Loire. L’arrivée du tracteur a provoqué une hécatombe et j’ai été très inquiet pendant un moment. Mais depuis une dizaine d’années, on ne baisse plus tant que cela. On recense encore soixante à soixante-dix éleveurs dans les Ardennes que l’on considère comme le berceau de la race. » Selon lui, il y aurait autant de chevaux dans les Ardennes que dans la Lorraine et l’Alsace réunies.

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